Guillaume Henry chez Patou, les années 20 2.0
©Patou
Depuis 2018, Patou renaît. La marque trouve un second souffle en la personne de Guillaume Henry, créateur qui, à défaut de performer en solitaire, réveille les belles endormies à l’instar de Carven ou Nina Ricci. Après une courte pause, il se retrouve à la tête de la maison centenaire créant ainsi un parallèle entre la mode des années 1920 et celle des années 2020.
L’évidence des débuts
Guillaume Henry est un vagabond. Passé par Givenchy aux côtés de Riccardo Tisci puis par Paule Ka, il est ensuite venu relancer Carven et Nina Ricci. Alors reprendre Jean Patou, cela sonnait comme une évidence pour lui et pour cause. Attendu par Sidney Toledano pour un café de courtoisie, le designer fait un détour par le cimetière de Passy et y croise la tombe du fondateur. Une anecdote qu’il ne manque pas de raconter au directeur de la division mode de LVMH, alors pris au dépourvu. À l’époque, l’affaire est encore hautement confidentielle, mais le groupe prévoit de racheter la maison française. Comme un signe du destin, Sidney Toledano lui en propose alors la direction artistique. Preuve que même les détails du quotidien ont leur importance…
Le designer se retrouve donc à la tête d’une marque considérée comme visionnaire et avant-gardiste. Jean Patou a balayé les codes stricts et rigides de la Belle Epoque pour instaurer une silhouette fonctionnelle. Au sortir de la guerre, le vêtement devient symbole d’émancipation insufflant un vent d’insouciance dans l’esprit des femmes. L’objectif d’Henry ? Recréer cette désinvolture dans le vêtement et l’adapter aux codes des années 20, celles d’aujourd’hui.
Une mode sportwear
« Je suis en recherche permanente de l’allure sportive » disait Patou. Reprendre la maison, c’est donc avant tout composer avec une esthétique sportwear. D’ailleurs la muse de l’époque n’est autre que Suzanne Lenglen, championne de tennis incarnant l’image de la garçonne. Cette mode fonctionnelle était si importante pour le créateur qu’il ouvrit en 1925 le Coin des Sports, un département réservé aux vêtements sportwear. Il a démocratisé ce qui n’était porté que sur les terrains de sport au sein même de la ville. Mais pour Guillaume Henry, il ne suffisait pas de retranscrire littéralement les robes sans corset, les jupes plissées et autres pièces destinées aux femmes actives. Bien sûr l’héritage compte mais il faut aussi savoir s’en détacher pour construire quelque chose de nouveau. D’ailleurs, à son arrivée, il a eu le plus grand mal à s’appuyer des archives qui étaient quasi inexistants. L’idée était donc davantage de s’inspirer de cet esprit résolument moderne.
L’héritage d’une vision moderne
Pour s’adapter aux codes de la mode d’aujourd’hui, on ne peut passer à côté du it-bag. Au-delà d’être un accessoire technique et pratique, il est un objet d’expression et un marqueur d’identité tant pour soi-même que pour les autres. Avec le sac, on affirme qui l’on est, par le style et surtout par la marque. La maison a ainsi lancé le « Patou bag », un sac en demi-lune qui inspire un sourire et qui lorsqu’on le colle à un autre, reforment ensemble le monogramme JP.
À l’ère de la logomania, imaginer ou plutôt réimaginer le logo semblait être un passage obligé pour la marque. D’ailleurs en 1925, les créations étaient déjà griffées d’un monogramme « JP » en forme de losange, remis au goût du jour par les équipes actuelles. Mais le logo typographique, lui, fait peau neuve. Exit le « Jean », désormais la maison se nomme « Patou » ; un nom qui inspire de la douceur et du réconfort aux oreilles du créateur. Ce choix s’inscrit dans une démarche de simplicité et d’efficacité, les maîtres mots du directeur artistique.
Joie et simplicité
Le designer crée une mode facile et immédiate qui enthousiasme le quotidien des femmes. Il résume cela par « des collections futiles avec de la surface ». D’ailleurs, pour répondre à ce besoin de praticité, les pièces sont souvent composées de maille ; une matière qui séduit par son confort. Mais le créateur conserve tout de même un esprit couture. Les manches gigots, les cols XXL et les volumes bouffants dessinent les contours d’une silhouette délicate et contemporaine.
On constate aussi une forme de légèreté et d’humour dans la mode Patou 2.0. Sur un ton décalé, la maison a récemment collaboré avec Barbapapa réveillant un semblant de nostalgie chez les Millenials. En résumé, Henry crée en tout complicité avec la cliente car il s’adresse directement à elle. Pour lui, une marque n’est pas un produit, mais une femme.
Une mode pour une femme du quotidien
Qui porte du Patou ? Dans l’esprit du designer, c’est celle qui l’entoure ; une amie, un membre de sa famille, une collègue. Dans la réalité, elle est partout car il a besoin de voir pour qui il crée en la croisant à la sortie d’un métro ou au détour d’une terrasse de café. Cette figure à la fois chic et sportive se repère ainsi dans la rue, libre et en mouvement. Plutôt rive droite, plutôt rive gauche ? Ça, on ne le sait pas. D’ailleurs, le nouveau siège se trouve sur l’île de la cité au centre même de Paris comme pour renoncer à prendre parti. Car il faut tout de même l’avouer, on reconnaît cette parisienne dans les collections, mais sans tomber dans le cliché. Davantage versatile, elle transforme volontiers son allure ultra-féminine en une allure plus pratique, plus Patou.
Pour relancer la maison française après 30 ans de silence, il fallait tout refaire ou presque. Ce challenge, Guillaume Henry le relève avec aisance depuis 4 ans. Plus qu’une marque, Patou traduit aujourd’hui un état d’esprit, moderne certes, mais surtout joyeux et c’est tout ce dont la mode avait besoin.