L'exode rural d'Aigle

Un nouvel envol

Une nouvelle ère souffle au cinquième étage du centre Pompidou à Paris. Aigle défile pour la première fois depuis 1883 sous l’impulsion artistique d’Aurélien Arbet, Jérémie Egry et José Lamali, les trois mousquetaires du label Études. La collection porte le nom « Cycle », une manière de souligner ce nouveau départ dans son histoire. Plus qu’un défilé, il s’agit plutôt d’une présentation libre et en mouvement. Quelque chose de très organique s’en échappe et une certaine proximité s’installe. Les mannequins déambulent les mains dans les poches, avec nonchalance et spontanéité. Si l’on était assez proche d’eux, on pourrait presque capter les quelques mots qu’ils s’échangent. Leur attitude est à l’image de leurs tenues, simples et accessibles. Des trenchs aux mille déclinaisons, des bobs avec des cordons, des vestes à poches. En bref, une mode fonctionnelle ultracontemporaine destinée à reconnecter la jeune génération à cette marque historique qui fêtera ses 170 ans l’an prochain.

Aigle mise à l’Études

Jusque-là, Aigle était considérée comme premium et s’inscrivait presque dans un patrimoine national. Avec elle, c’est l’assurance de porter un vêtement français de qualité qui traverse les époques sans perdre de sa fiabilité. Telle est la clé d’un succès assuré par un homme, Hiram Hutchinson, qui lance la marque après avoir acheté le brevet de vulcanisation du caoutchouc en 1853. Un mot un peu barbare mais qui, en d’autres termes, désigne un processus de chauffe du matériau dans une atmosphère sous haute tension permettant ce rendu à la fois élastique et étanche. Mais de là à ce que cette chaussure technique passe des flaques d’eau et terrains boueux aux podiums, le pari était osé. Mais audacieusement relevé par le label Études, grâce à qui la référence française de la botte de pluie jouit d’une toute nouvelle aura et rejoint ce cercle très fermé – presque élitiste – des défilés de mode. D’ailleurs, placer non pas une mais trois têtes pensantes à la création – ayant déjà leur propre griffe – là aussi c’était un challenge.

Un retour à l’essentiel

Aujourd’hui, de plus en plus de jeunes designers viennent réveiller d’anciennes maisons pour leur donner un second souffle tout en témoignant leur créativité au sein de leur propre marque. Au risque parfois de voir les deux se mélanger. Ici, l’élégance et la tradition minimalistes viennent côtoyer un tailoring et une esthétique streetwear hauts en couleurs. Les opposés s’attirent dit-on. Les deux identités ont su trouver un langage commun avec pour grammaire, la sincérité et l’essentialité. L’idée n’est pas de tout changer, on ne balaye pas 170 ans d’histoire d’un revers de la main. Cette nomination est prétexte à renforcer la vision responsable d’Aigle et ainsi, assurer son engagement envers ce qui compte vraiment pour elle, la nature.

Un dialogue entre naturalité, urbanité…

Tout en restant fidèles aux valeurs historiques de la marque, les trois créateurs d’Études ont insufflé un vent de modernité en phase avec les réflexions de notre époque. À cette notion de nature vient alors s’associer, non sans contraste, celle d’urbanité. Et au cœur de ce concept, le mouvement, le déplacement. Plus que jamais notre mode de vie est aujourd’hui nomade et notre regard se porte sur l’extérieur. Une vague de mobilité et de dynamisme a déferlé – pour le meilleur – sur notre société en pleine mutation.

… et durabilité

L’ensemble des collections illustrent cette dualité. Les iconiques de la marque – et du vestiaire outdoor – s’adaptent pour être aussi efficaces à la campagne, qu’esthétiques en ville. La douceur des textiles naturels vient contrebalancer la rigidité des matières plus techniques. La mode Aigle by Études est pensée pour accompagner chacun dans ses déplacements et « permettre […] de vivre pleinement des expériences sans laisser d’autres empreintes que celles de ses pas ». En 2022, 50% des produits sont responsables et les 50% restants devraient être atteints d’ici 2028. Être connecté à la nature, ce n’est pas simplement y vivre, c’est aussi prendre soin d’elle. À l’image des « makers » qui ont incarné la saison SS22 aux pièces versatiles inspirées du vêtement de travail. Six artistes au contact permanent de notre environnement extérieur pour développer un mode de vie durable et en quête de fonctionnalité. La nouvelle génération qui portera Aigle demain est déjà là.

De la campagne à la ville, il n’y a qu’un pas. Ce pas, Aigle l’a franchi avec l’aide du label Études. Les trois designers ont ouvert un nouveau chapitre de l’histoire de cette marque qui a su faire de la mode rurale, une tendance urbaine.