Les vampires modernes de

Viktor & Rolf

©Geoffroy Van Der Hasselt

Pour leur collection Haute Couture Printemps-Eté 2022, les créateurs Viktor & Rolf habitués à jouer avec les proportions, ont imaginé une silhouette pour le moins étonnante, inspirée du terrifiant Dracula. Focus sur un défilé sous haute tension.

Un vent de frissons plane sur le théâtre national de Chaillot. Le duo néerlandais dévoile une collection surréaliste aux accents vampiriques. Et pour cause, l’inspiration du défilé n’est autre que Dracula dans le film muet « Nosferatu » de 1922, réalisé par Friedrich Wilhelm Murnau, pionnier du cinéma d’horreur. Il s’agit à l’origine d’un personnage romanesque, créé par l’écrivain Bram Stoker, vivant en Transylvanie et ayant le pouvoir d’immortalité en se nourrissant du sang de ses victimes. Depuis, il est devenu un véritable mythe qui n’a cessé d’être réinterprété au fil du temps.

Retour sur le podium où une musique dramatique et un jeu d’ombres et de lumières au mur installent un climat d’angoisse. Le must ? La « surreal shoulder », cette nouvelle ligne d’épaule extrême qui rythme le défilé. En réalité, ce jeu de proportions n’est pas aussi récent qu’il n’y paraît puisque les créateurs se sont inspirés de leur collection de 1993 pour le concours d’Hyères. Ils ont ainsi mis au point une structure qui s’intègre dans le vêtement et vient surélever les épaules, créant cette silhouette architecturée et longiligne.

Le premier look donne le ton, une chemise blanche oversize surmontée d’une collerette et un gilet blanc étiré à son maximum, le tout contrastant avec une redingote noire et un pantalon de costume ; l’uniforme du célèbre vampire. Cette dualité noir et blanc n’est pas sans rappeler l’esthétique gothique pensée jusqu’au bout des ongles, ici XXL… S’ensuit une série de robes tout aussi étroites défilant dans une palette de couleurs plutôt sombres puis laissant place à de vibrantes nuances de jaune, bleu, rouge ou encore violet. Les deux stylistes ponctuent leurs créations de fleurs, de nœuds - emblème de la maison - et d’autres détails venant orner les somptueux tissus tantôt satinés, tantôt plissés.

Le rythme s’accélère et les volumes prennent de l’ampleur à l’image d’une robe asymétrique à une manche qui met en avant toute l’exagération de la silhouette. Une autre, d’un blanc immaculé est surmontée de manches à volants faisant écho aux ailes de chauve-souris que déploient Dracula.

Les mannequins prennent ainsi une allure de créature, accentuée par une mise en beauté presque cadavérique. Le teint blafard est toutefois réhaussé de pommettes rosées et de lèvres bordeaux.

Comme pour bon nombre de maisons depuis deux ans, le COVID a été une source d’inspiration et le point de départ de collections prônant le confort et la simplicité. Viktor & Rolf abordent eux aussi ce sujet de société mais optent pour une interprétation plus fantaisiste, incarnée ici par un personnage de fiction. Dracula, figure d’intimidation, devient ainsi l’allégorie de la peur et des angoisses que chacun ressent en cette période. De plus, l’utilisation de l’épaule surélevée, au-delà de symboliser la créature, représente un geste de repli sur soi. Les stylistes transforment donc ce sentiment de crainte en une puissante source de créativité. Réussir à tirer du positif dans le négatif, tel semble être le message optimiste laissé par Viktor & Rolf.